Les employés du cinéma Alamo Drafthouse de Brooklyn ont lancé une pétition qui a eu un impact considérable, même en dehors du bâtiment. Elle illustre parfaitement le conflit naissant entre obligation culturelle et liberté artistique. Soutenus par le syndicat NYC Alamo United, ces employés demandent l’annulation de la projection du film prévue le 5 septembre, car ils le jugent profondément partial et déshumanisant envers le peuple palestinien.

Le long métrage du cinéaste suisse-allemand Tim Fehlbaum suit des journalistes sportifs d’ABC Sports le jour du massacre de Munich en 1972, qui a coûté la vie à onze athlètes israéliens. Le film cherche à recréer l’urgence et la frénésie médiatique de l’époque où l’information en continu gagnait en popularité, mais il ne s’agit en aucun cas d’un récit héroïque. Cependant, d’autres employés estiment que cette approche est une simplification excessive et risquée qui ignore les subtilités d’un conflit déjà empreint d’émotions et d’expériences.
Informations clés sur la pétition des employés d’Alamo Drafthouse
| Élément | Détails |
|---|---|
| Organisation concernée | Alamo Drafthouse Cinema, New York (Downtown Brooklyn) |
| Film contesté | September 5, réalisé par Tim Fehlbaum (2024) |
| Sujet du film | Reconstitution du massacre des athlètes israéliens aux Jeux de Munich 1972 |
| Initiateurs | Syndicat NYC Alamo United et employés du cinéma |
| Lancement de la pétition | 1er janvier 2025 |
| Nombre de signatures | Environ 1 000 personnes (selon NYC Alamo United) |
| Principales critiques | Accusation de “propagande sioniste”, “orientalisme” et “dénaturation historique” |
| Réponse de la direction | Aucune déclaration officielle publique à ce jour |
| Référence officielle |
Malgré la promesse d’une projection unique en novembre 2024, la pétition, publiée sur Instagram, accuse la direction d’avoir ajouté le film à la programmation de manière détournée. Près d’un millier de signatures ont été recueillies en quelques jours, témoignant d’une mobilisation particulièrement rapide. Les initiateurs condamnent les agissements d’Alamo Drafthouse, qu’ils qualifient de « cyniques » et « motivés par le profit ». Ils accusent l’établissement de propager un discours « orientaliste » dénigrant les peuples arabes et de « tirer profit financièrement du génocide palestinien ».
Dans un monde où la représentation culturelle est scrutée de près, ces accusations trouvent un écho profond. Cet exemple, de l’avis de nombreux observateurs, illustre la nouvelle attitude des acteurs culturels, qui ne souhaitent plus être de simples exécutants, mais des acteurs moraux capables d’influencer les politiques internes de leur employeur. Ainsi, la pétition est une affirmation de la conscience collective, et non une simple contestation.
En réponse, Tim Fehlbaum a déclaré dans la presse européenne que son œuvre visait à « examiner le lien entre les médias et les tragédies historiques », et non à commenter la situation actuelle à Gaza. Il affirme que le film explore les prémices du spectacle médiatique du point de vue de journalistes bloqués lors de reportages en direct. Les critiques perçoivent cette vision comme une réinterprétation du traumatisme palestinien à travers un prisme occidental, malgré son originalité narrative.
Au-delà du théâtre, la question qui se pose désormais est celle de la part de complexité géopolitique qui doit être reflétée dans une création artistique. Par ailleurs, à quel moment la sensibilité politique se transforme-t-elle en censure ? Refuser de projeter un film, pour certains, équivaut à interdire le dialogue. D’aucuns estiment légitime de s’opposer à une projection qu’ils jugent insultante ou politiquement motivée. Ce débat, particulièrement pertinent aujourd’hui, rappelle ceux suscités par d’autres films controversés, tels qu’American Sniper et The Interview, où la frontière entre provocation et représentation reste floue.
Un changement significatif dans la dynamique entre artistes, organisations et employés est également manifeste dans l’affaire Alamo Drafthouse. Autrefois lieu de libre expression, le cinéma est aujourd’hui un espace où la morale règne. Les employés font preuve d’une grande maîtrise des leviers médiatiques en se syndiquant : les réseaux sociaux amplifient la pétition publique, qui exerce une pression morale. Ces facteurs sociaux et numériques modifient les rapports de force entre direction et employés.
Réduire cette affaire à un simple débat sur la pertinence des projections serait une simplification excessive. Deux conceptions de la fonction du cinéma s’affrontent ici dans un débat culturel. L’une affirme un engagement politique en accord avec les idéaux d’égalité et de justice, tandis que la première défend sa vocation artistique de découverte, aussi dérangeante soit-elle. Malgré ses tensions, ce différend idéologique témoigne de la vitalité démocratique importante des institutions culturelles.
On observe une nette similitude avec d’autres mobilisations. Des préoccupations similaires ont également été exprimées par les équipes techniques d’Hollywood, qui ont appelé les studios à une plus grande vigilance face aux récits tels que le colonialisme ou la guerre. En Europe, la programmation de certains festivals a été modifiée sous la pression des militants. Loin d’étouffer l’innovation, ce phénomène mondial l’encourage à se réinventer. Aujourd’hui, les artistes doivent prendre conscience de la portée politique de leur œuvre.
Plus personnellement, plusieurs employés d’Alamo Drafthouse affirment préférer « protéger l’espace cinématographique de toute manipulation politique » plutôt que de « censurer » le film.